La chirurgie esthétique est souvent considérée comme une passion toute féminine. Pourtant, les hommes, que l’on sait de plus en plus préoccupés par leur apparence, se laissent eux aussi tenter. Les chirurgiens les voient de plus en plus pointer le bout de leur nez dans les cliniques…
Dans cet entretien, notre confrère Dr Franck Ouakil, chirurgien esthétique plasticien nous explique cette nouvelle tendance de rhinoplastie masculine
Il paraît qu’il y a une augmentation du nombre d’hommes qui se font refaire le nez…
En effet, dans ma clientèle j’estime à 30% les consultations masculines dans ce domaine, mais tous ne passent pas à l’acte en recourant à une intervention. Quelques-uns abandonnent l’idée. Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les rhinoplasties masculines se pratiquent avec succès depuis bien longtemps, notamment dans le show business. Claude François ou Jacques Martin en sont des exemples.
Comment un homme aborde-t-il la consultation ?
Contrairement aux femmes, les hommes ne bénéficient pas de l’aide du bouche à oreille. On imagine difficilement deux mecs papoter pour se refiler l’adresse d’un chirurgien esthétique plasticien. Plus secret, le futur patient est contraint de se débrouiller tout seul pour partir à la recherche de l’information. Généralement, il surfe sur Internet. Et quand il me rencontre, il a déjà en tête qui je suis et ce que je fais parce qu’il est allé voir mon site. La conversation qui s’engage ensuite est un prolongement de sa réflexion solitaire.
Que vous demande-t-on le plus souvent ?
Un résultat naturel. Un nez qui ne soit pas « signé ». Tel ou tel chirurgien, que je ne nommerai pas, reproduit toujours le même nez. Il arrive que je vois des femmes et que je sache immédiatement qui est l’auteur de leur rhinoplastie. A une époque, il y avait des « vagues » de nez façon pékinois par exemple.
Les techniques ont-elles évoluées ?
Pas tant que ça. Je dirais plutôt que c’est la stratégie esthétique qui a changé, l’approche plastique. Désormais, on fait du sur-mesure. Un bon praticien doit pouvoir respecter l’harmonie générale du visage.
Vous arrive-t-il de refuser des patientes ?
Vous savez, c’est toujours l’histoire classique d’une cliente qui arrive avec une culotte de cheval monstrueuse par exemple et qui focalise sur son nez, pourtant assez charmant. La perception de soi est toute relative.
Et c’est au chirurgien de savoir tempérer des désirs suspects. Il m’est arrivé de refuser d’opérer, en effet, une amie de ma femme que je trouvais naturellement ravissante et qui s’est retrouvée avec un nez quelconque après s’être fait opérer chez un confrère.
Il y a aussi celles qui arrivent avec des photos et qui demandent le nez de Michelle Pfeiffer par exemple. Dans ces cas là, il faut quand même prendre le temps d’expliquer qu’elles ne seront jamais Michelle Pfeiffer, nez refait ou pas.
Est-il vrai, selon vous, qu’une opération en entraîne une autre, que les femmes ou les hommes se retrouvent accro à la chirurgie après y avoir goûté ?
Il est en effet assez rare de ne faire qu’une opération dans la vie d’une femme. Quand on se regarde dans un miroir des pieds à la tête, c’est rare qu’il n’y ait qu’un détail qui cloche.
Et une fois qu’on a goûté à la chirurgie esthétique, qu’on a vu que ce n’était pas si terrible qu’on se l’était imaginé et que les résultats pouvaient changer la vie, il est normal de songer à nouveau y avoir recours. Les rhinoplasties ont souvent lieu très jeune.
Des années plus tard, les femmes ont tendance à revenir consulter pour leurs seins par exemple.
Quelle est la question test qui vous permet de vérifier les motivations de vos patients ?
En chirurgie, il n’y a aucune garantie de résultat. Le nez n’étant pas une opération réversible, je demande à mes patients de bien réfléchir avant de se faire opérer. Je veux être certain que leur nez « d’origine » leur paraît insupportable.
Ils n’en seront que plus satisfait après modification. Cela dit, j’ai le plus souvent affaire à des personnes très décidées, leur entourage s’étant déjà chargé de les dissuader de se faire opérer.
Pourquoi l’entourage s’avère-t-il souvent dissuasif ?
Pour des raisons culturelles essentiellement. En France, la rhinoplastie reste une chirurgie taboue. Autant les femmes entre elles s’avouent facilement faire du Toxine botulique ou autre médecine esthétique qui, finalement, signent qu’elles sont « à la page », autant elles répugnent à s’ouvrir d’intervention plus conséquentes.
Un chirurgien qui pratique des rhinoplasties peut faire une croix sur le bouche à oreille. En principe son nom ne circule pas. Une rhinoplastie bien faite est une rhinoplastie qui ne s’avoue pas.
Dans d’autres pays, on prend les choses avec plus de décontraction. Il est étonnant par exemple, de voir à quel point, chez les libanaises modernes, la norme consiste à se faire refaire le nez, il y a une véritable rupture d’identité communautaire à ce niveau là. Sans parler du Brésil où la chirurgie esthétique et plastique fait partie de la vie de tous les jours.
Là bas, la fonction corps est désacralisée, on y vit plus simplement la sexualité et donc l’esthétique qui va avec.
Est-il plus difficile d’intervenir sur un homme ?
Certainement. Le nez de l’homme est un nez ingrat, il présente deux difficultés. Souvent très grand, il doit être réduit d’autant. Or sa peau est beaucoup plus épaisse que celle d’une femme.
Et plus la peau est fine, plus elle a une capacité de rétractation, mais plus elle est épaisse, plus elle est encline à tomber lorsqu’on rétrécit un volume.
C’est pourquoi j’explique toujours à mes patients hommes qu’ils ne doivent pas passer d’un gros nez à un petit modèle mais qu’ils doivent s’en tenir à des modifications modérées.
Enfin, est-il possible d’augmenter un très petit nez ?
Bien sûr. Cela vaut pour les nez ethniques, les nez épatés avec une arrête peu dessinée par exemple mais aussi pour les nez de boxeur ou les nez opérés par un chirurgien qui a trop creusé.
Dans ces cas là, j’emploie une technique très peu usitée en France : un implant de medpore ®, un tissus synthétique, poreux, qui s’intègre très bien, et qui peut se malaxer à loisir. Par ce biais, je recrée des volumes. Vous voyez : aucun cas, en matière de nez, n’est vraiment désespéré !